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Le Fictionaute

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Chroniques littéraires, science-fiction et mauvais genres.

Collection Jydérie 1 : "Bois Dormant" de Melville

Publié par Victor Montag sur 25 Janvier 2021, 12:50pm

"Bois Dormant - Vivre parmi les ronces" de Melville

Introduction

Les lecteurs de SF connaissent bien les excellentes éditions Dystopia, nées de la passion de trois libraires. Elles ont publié, entre autres, la très belle série collective "Yirminadingrad", initiée par Léo Henry et Jacques Mucchielli.

Étant aussi un vieux rôliste impénitent, je ne pouvais pas ignorer le lancement de leur nouvelle collection "Jydérie", codirigée par Anaïs Vilcocq et Eugénie Bidet, qui verra le jour en mars 2021 et proposera des jeux de rôles.

Les deux premiers sont prêts et déjà disponibles en pré-commandeJ'ai eu le plaisir il y a quelques mois de recevoir les épreuves de ces deux jeux (que j'ai aussi commandé pour soutenir auteurs et éditeurs).

Une chronique inhabituelle

Comme je suis un vieux rôliste old school à peine initié au système Apocalypse (Dungeon World, Apocalypse World, Monsterhearts, Worlds in Peril), le type de jeux narratifs proposés dans la collection Jydérie m'a, en quelque sorte, fait découvrir un nouveau continent. Je vous propose d'abord une petite recension objective de "Bois Dormant" de Melville, et dans un second article, de "La Clé des Nuages" de Felix "kF" Beroud (suivi de "La Clé des Songes" de Côme Martin). Ensuite, ayant partagé ces deux jeux avec un groupe d'amis rôlistes, je publierais plus tard une synthèse de nos avis, impressions et réactions à la lecture (et peut-être au test) de ces jeux originaux.

Le cadre de jeu : apocalypse et utopie

"Bois Dormant" met en scène un futur dystopique. Dans une mégalopole, un mystérieux syndrome a plongé 90% de la population dans un sommeil catatonique. Les autorités ont confiné la ville, plus rien n'entre ni ne sort de son périmètre. Une végétation anormale, les ronces, envahit la cité, tandis que d'étranges esprits urbains semblent s'éveiller. Les habitants épargnés par le syndrome, confinés dans la ville, sont contraints de s'organiser pour survivre. Certains forment des gangs qui se font la guerre pour les ressources, d'autres se réfugient dans la passivité sectaire en suivant un gourou. Les personnages des joueurs ont fait un autre choix : ils font le pari d'une communauté utopique, non violente, solidaire, écologique et spirituelle. Les défis qui les attendent sont nombreux : les pénuries, la violence des gangs, la constitution politique de leur communauté, la gestion des narcosés, etc.

Le système de jeu : un jeu sans dés ni meneur de jeu

Pour commencer, et ce n'est pas anodin, l'auteur a choisi par convention "inclusive" d'utiliser le féminin pluriel pour désigner les participants au jeu. Les joueuses, sans meneur de jeu ni recours à des jets de dés, vont ensemble raconter une histoire, étant chacune associée à tous les aspects de l'histoire mais aussi de l'activité ludique en elle-même. Chaque joueuse a une fonction, joue un rôle et se charge d'un domaine. La fonction renvoie à l'organisation de la partie (hébergement, nourriture, logistique, explication des règles, prise de note et médiation). Le domaine est un aspect de l'univers (les gangs, la nature, les pénuries, l'éveil de la ville, le blocus, les narcosés). Le rôle est le personnage proprement dit : antenne (communiquant), bricole (mécano), cataplasme (médecin), encyclo (savant), graff (artiste urbain), main verte (cultivateur) ou MC (musicien). Les joueuses choisissent leur fonction. Elles imaginent ensemble la ville, le site de leur communauté, sa structure de départ, les problématiques centrales auxquelles elle va être confrontée, les interactions avec les autres habitants. Puis elles définissent collectivement le rôle de chacune et s'attribuent les domaines. L'histoire peut commencer. Des livrets de communauté, de rôle et de domaine guident les choix, sur un mode de question/réponse/interaction inspiré des jeux PBTA. Des jetons de quatre couleurs associés à des thématiques saisonnières introduisent une légère dose de hasard lors de certains choix individuels. Des conseils de narration et de communication assurent la répartition de la parole, la fluidité des interactions et le respect de chacune lors de l'évolution de l'histoire. Un contexte de jeu prêt-à-jouer, "Les Veilleuses d'Héliopolis", est aussi proposé, et un autre, "Love Berlin", est disponible par ailleurs.

Un jeu politique et engagé

"Bois Dormant" est donc un jeu dont le dispositif ludique est très original, mais pas seulement. Comme son modèle de référence, "Dream Askew", il propose par le biais d'une activité de loisir d'aborder des sujets très sérieux, sous un angle politique flagrant qui rappelle les utopies ZADistes et anarcho-autonomes. Un jeu qui a l'ambition d'enrichir les joueuses au gré d'une fiction impliquée. Dans la postface, Melville confie avoir voulu faire "un jeu pour apprendre à s’aimer, à s’entraider et à se faire confiance". Vaste et courageux programme.

Si vous voulez savoir si cela fonctionne, ou simplement pour soutenir un geste de création louable, précipitez vous sur la précommande de ce livre magnifiquement illustré par Je suis une légume.

Et rendez-vous sur ce blog dans quelque temps pour la synthèse, très subjective cette fois, de l'avis d'un groupe de vieux briscards du JdR...

"Bois Dormant - Vivre parmi les ronces"
Jeu de rôle de Melville
Illustré par Je suis une légume
Éditions Dystopia, collection Jydérie
Mars 2021

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