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Le Fictionaute

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Chroniques littéraires, science-fiction et mauvais genres.

Jacques Barberi - «L'enfer des masques»

Publié par Victor Montag sur 31 Janvier 2019, 18:00pm

Infernale mascarade

Nice, premier masque. Nora n'a jamais connu son père. Susan Keller, sa mère, a seulement évoqué un éphémère amant anonyme rencontré lors d'un voyage. L'absence paternelle nourrit les fantasmes et les ruminations existentielles de la toute jeune adulte. Régis Lynaster, étudiant en informatique, partage avec Nora l'amour du cinéma et aimerait partager beaucoup plus avec elle. Il l'invite à un cocktail à Nirvana Bay, site universitaire dépendant de Sophia Antipolis, où il effectue un stage. Dans cet endroit étrange administré par une intelligence artificielle, Nora aperçoit sur une photographie des fondateurs du projet sa mère, dans les bras d'un homme. Ils semblent amoureux...

Los Angeles, second masque. Priscilla se réveille à la clinique Borderhouse. Elle est paralysée et amnésique. On lui apprend qu'elle est un célèbre mannequin et qu'elle a été victime d'un accident. Les médecins sont aux petits soins, et son mari, Nick Dickovski, vient la voir tous les soirs en hélicoptère. Mais Priscilla peine à retrouver ses souvenirs et fait l'expérience de perturbantes hallucinations...

«L'enfer des masques», nouveau roman de Jacques Barberi, est un thriller. A 10 000 km de distance, de la Baie des Anges à la Cité des Anges, deux mystères de l'identité obsèdent deux héroïnes que rien ne semble d'abord associer. Tandis que pour l'une les indices s'accumulent et que le voile paraît se déchirer, pour l'autre la réalité se fissure et la folie est en embuscade.

«L'enfer des masques» est un roman construit comme un film, vif et nerveux, alternant les dialogues savoureux et cinéphiles des deux amoureux niçois et l'introspection inquiète de la recluse américaine. Une déclaration d'amour au cinéma et à la littérature, truffé de références autant populaires que savantes : les blockbusters américains côtoient le cinéma d'art et essai, Philip K. Dick et Theodore Sturgeon sont les voisins de palier de Donna Haraway.

«L'enfer des masques» est une nouvelle plongée dans l'imaginaire unique et dense d'un écrivain inimitable. Une histoire qui happe le lecteur et le met au défi de formuler une hypothèse, d'identifier un genre : polar, science-fiction, fantastique ? On retrouve avec délice le goût de Barberi pour le jeu trompeur avec les apparences et l'exploration de la nature incertaine de la réalité. L'intuition que derrière les masques, la fiction est à même de révéler les "forêts de symboles" chères à Baudelaire, et d'ouvrir l'esprit à d'autres dimensions, oniriques et effroyables.

«L'enfer des masques» est aussi un conte épistémologique et psychologique édifiant. Les miracles de la science et de la technique ouvrent des possibles vertigineux, dans lesquels s'engouffrent les désirs humains, pour le meilleur et pour le pire. Si tous les personnages sont portés par l'amour, la collision de leurs aspirations se révèle catastrophique et la technologie à leur disposition transforme la catastrophe en épouvantable tragédie.

«L'enfer des masques» est un pur bonheur de lecture, tout simplement.

«L'enfer des masques», roman de Jacques Barberi
Illustration de couverture de Jef Benech'
La Volte - 7 Février 2019

 

Jacques Barberi - «L'enfer des masques»

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