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Le Fictionaute

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Chroniques littéraires, science-fiction et mauvais genres.

Léo Henry - «L'autre côté»

Publié par Victor Montag sur 31 Janvier 2019, 18:00pm

Migrant malgré lui

La cité-état sacrée de Kok Tepa est un paradis autarcique bien ordonné. Derrière ses trois murailles autour du Dilgusha, le temple des Moines, s'organisent les activités des trois autres castes héréditaires (les Guerriers, les Commerçants et les Paysans) et des Sans-Castes. Les Moines, dépositaires du pouvoir spirituel et temporel, bénéficient seuls de l'immortalité que leur confèrent les drogues venues d'Outre-Mer. La mystérieuse épidémie de fièvre mortelle les épargne, mais condamne tous les autres.

Rostam a une vie confortable dans la cité. C'est un passeur, il organise le voyage interdit de ceux qui veulent rejoindre l'Outre-Mer dans l'espoir de guérir de la fièvre. Lorsque sa fille Turaberg montre les premiers signes de la forme rapide de la maladie, Rostam et sa femme Hadda décident de quitter Kok Tepa. Le passeur devient l'exilé et entreprend le long et dangereux voyage qu'il n'a fait que planifier jusque là...

« L'autre côté » est une novella (court roman) poignante et magnifique, le récit d'une migration forcée (y en a-t-il d'autres ?) portée par l'espoir, le courage et l'amour paternel. Rostam est confronté à la terrible réalité qui se cache derrière l'idée confortable et privilégiée qu'il se faisait de l'exil qu'il vendait à ses clients. Il découvre l'étendue des capacités de sacrifice, l'obstination, la force et la résilience que recèle l'amour humain.

Le talent de styliste de l'auteur strasbourgeois se déploie dans la forme courte dans laquelle il excelle. On y retrouve la précision des émotions et des sentiments, la puissance d'évocation par petites touches, la poésie et la générosité qui irriguent le reste de son oeuvre.

En plaçant son histoire dans un univers imaginaire dont une bonne part reste mystérieuse, Léo Henry joue d'une forme d'inquiétante étrangeté (Unheimliche). Tout en gardant la distance nécessaire au plaisir de la lecture de fiction, il instille une angoissante familiarité qui favorise l'identification au personnage et à ses souffrances. Le lecteur occidental, qui a la chance d'être de «L'autre côté», verra peut être désormais sur le visage de chaque migrant celui de Rostam, celui de son frère étrange et familier.

La critique de «L'autre côté» par Charybde et Nicolas Winter

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